Au joli mois de mai les fleurs
babillent d’or et de carmin
mais bientôt leurs corolles meurent.
Ce sont rires sans lendemain.
Tandis que les bourgeons éclatent
dans les ramures des jardins
les coquelicots écarlates
saignent sur les talus soudain.
Le vieux tronc, fatigué d’hivers,
dévoré d’insectes, s’endort
et l’arbre qui fut jeune et vert
dresse à présent ses moignons morts.
Au loin, là-bas, au pied des Andes,
c’est l’automne et le soleil tord
les ceps de vigne qui suspendent
au gré du vent leurs grappes d’or.
Ici aussi viendra l’automne
et la fausse mort de l’hiver.
Un jour la vie nous abandonne
comme elle abandonna nos pères.
Mais chaque fois qu’un oiseau meurt
un œuf éclot dans d’autres nids.
Chaque fois que s’arrête un cœur
un bébé vagit dans la nuit.
Pour les humains c’est mai encore.
Bien sûr un jour viendra l’automne
et puis l’hiver, mais d’autres corps
germeront de la terre bonne.
Et si un jour notre planète
n’est plus qu’un bloc de rocs déserts
la vie dansera d’autres fêtes
dans le grand bal de l’univers.
Pierre Thiollière, Garrigues, 5 mai 2021