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25 janvier 2021 1 25 /01 /janvier /2021 17:32

 

Face au ruisseau il jouait

des arias du Lac des cygnes

mais le sapin lui fait signe

d’assourdir ses virelais.

 

Caressés de vent follet

les rochers moussus s’indignent,

le vieux pin lâche trois pignes

et l’accordéon se tait.

 

Dans le silence du bois

le musicien se tient coi.

Il oublie son instrument.

 

L’eau murmure goutte à goutte

et le musicien écoute

chanter la harpe du vent.

 

Pierre Thiollière, Garrigues, 25 janvier 2021

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22 janvier 2021 5 22 /01 /janvier /2021 17:27

 

J’ai dormi au creux d’un rocher,

sur les cailloux, sur l’herbe douce,

dans les clairières sur la mousse,

sur des prés fraîchement fauchés.

 

Dans la campagne j’ai marché

au printemps lorsque les fleurs poussent,

en juillet lorsque l’herbe est rousse,

en août quand tout est desséché,

 

l’hiver quand la montagne est blanche

pour mieux effleurer sur les branches

ce que promettent les bourgeons.

 

Dans la tourbière sous la glace

j’ai deviné parmi les joncs

la vie qui jamais ne s’efface.

 

Pierre Thiollière, Garrigues, 22 janvier 2021

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22 janvier 2021 5 22 /01 /janvier /2021 16:17

 

Le robinier

aimait encore

le sycomore

au port altier.

 

Tout son aubier

tremblait plus fort

au vent du nord

mais, sans pitié,

 

l’érable, hélas,

restait de glace

sous le parfum

 

de ses fleurs roses

à peine écloses.

Amour défunt.

 

Pierre Thiollière, Garrigues, 22 janvier 2021

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6 janvier 2021 3 06 /01 /janvier /2021 18:05

 

Modeste pissenlit

que méprise la rose,

belle dame qu’on n’ose

inviter dans son lit.

 

Parfumée et jolie

la princesse en impose

sans écouter ta prose,

pauvre fleur qu’on oublie.

 

Sur tes dents de lion

volent les papillons.

Bien sûr tu la regrettes.

 

Mais quand meurt le printemps

tu sèmes à tout vent

tes joyeuses aigrettes.

 

Pierre Thiollière, Garrigues, 6 janvier 2021

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6 janvier 2021 3 06 /01 /janvier /2021 16:14

 

Lis martagon, génépi,

gentiane, aster, épilobe.

La prairie sauvage englobe

la terre de ses épis.

 

Les abeilles sans répit

butinent les fleurs que gobe

la vache en sa belle robe

pour arrondir son doux pis.

 

L’enfant rêveur s’émerveille

devant la fleur et l’abeille,

le mélèze et le ruisseau.

 

La neige de la montagne

se meurt pour que l’accompagne

le gentil grelot de l’eau.

 

Pierre Thiollière, Garrigues, 6 janvier 2021

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5 janvier 2021 2 05 /01 /janvier /2021 16:05

 

Feu d’écorces dans la cuisine.

La neige sur les sapins noirs.

Les gémissements dans le soir

d’une jeune femme en gésine.

 

Les vieux sont là et l’on devine

que le grand-père espère l’hoir.

On entend près de l’abreuvoir

les vaches mugir en sourdine.

 

Un an de plus. Janvier revient.

Quelque chose en moi se souvient

de ce voyage hors de ma mère,

 

de ce refus, de cet effort,

de cette expulsion douce-amère

vers la vie guettée par la mort.

 

Pierre Thiollière, Garrigues, 5 janvier 2021

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27 décembre 2020 7 27 /12 /décembre /2020 10:49

 

La couleur,

dans l’église

toute grise,

de ces fleurs.

 

Cette odeur

d’hélichryse

qui me grise,

la senteur

 

de l’encens

qui descend

dans le puits

 

de l’enfance

au silence

de la nuit.

 

Pierre Thiollière, Garrigues, 27 décembre 2020

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18 décembre 2020 5 18 /12 /décembre /2020 11:07

 

Urgence. Hôpital.

Vol de blouses blanches

semaine et dimanche

pour vaincre le mal.

 

Sur la chair si pâle

l’infirmier se penche

pour donner sa chance

à ce corps qui râle.

 

Héros quotidien

il est le gardien

de la vie fragile,

 

calmant la frayeur,

la soudaine peur

de la vie futile.

 

Pierre Thiollière, Garrigues, 18 décembre 2020

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12 décembre 2020 6 12 /12 /décembre /2020 10:09

 

C’était un arbre vert

quand venait le printemps,

un arbre noir et blanc

sous la neige l’hiver.

 

Il agitait dans l’air

ses bras en susurrant

quand venaient les enfants

dans le jardin ouvert.

 

Une nuit de tempête

il a perdu la tête,

s’est couché sur la terre.

 

Pourtant toujours sa sève

frissonne dans mon rêve

comme le sang d’un frère.

 

Pierre Thiollière, Garrigues, 11 décembre 2020

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10 décembre 2020 4 10 /12 /décembre /2020 11:02

 

C’est une vaste terre au nord de l’Australie.

Devant les barrières de Wave Hill,

la grande ferme où sont les troupeaux des Anglais,

Vincent Lingiari se tient debout parmi les Gurindji.

Ils ont dressé leurs huttes à Wattie Creek.

Depuis huit ans ils veillent aux portes de Wave Hill

et dansent, chantent, peignent sur des écorces les chevaux,

les bœufs et les vachers de Wave Hill

et la savane de Wave Hill, la terre de leurs aïeux.

Les vachers Gurindji entrent et sortent de Wave Hill

et les didgeridoos modulent gravement :

la terre est à nous, nous sommes la terre.

 

Dans leurs cheveux emmêlés l’odeur du suint.

Dans le crin des chevaux l’odeur du suint.

L’odeur du suint dans le pelage des bovins.

Les Gurindji sur leurs chevaux.

Les mouches autour des longs cils blancs des vaches brunes.

Les mouches sur les visages,

les mouches noires que les mains ne chassent plus.

Depuis huit ans ils veillent aux portes de Wave Hill,

au campement de Wattie Creek.

 

Mais voici que l’homme blanc s’est repenti.

Il a versé le sable dans les mains de Vincent Lingiari.

Le sable tombe des mains de l’homme blanc,

l’homme blanc voleur de sable, voleur de montagne,

l’homme blanc voleur des acacias de la savane,

voleur des bêtes qui courent et qui s’accouplent dans la savane,

l’homme blanc voleur des montagnes à l’abri desquelles

les fourmis vertes inventent les hommes, les kangourous, les eucalyptus,

les créent dans le nuage de leurs rêves.

Cet homme-là, Gough Whitlam, chef des hommes blancs, se repent.

Il nous rend les terres volées ou plutôt il nous rend à la terre.

 

Au campement de Wattie Creek

dansent les hommes sombres au son du didgeridoo

sur le sable blond, sur le sable roux.

Boucles noires des enfants bruns !

Sur les corps parlent les signes blancs, sur les visages.

Longues feuilles des pagnes autour des reins,

panaches des coiffes au-dessus des bandeaux de couleur,

corsages verts, jaunes, rouges des femmes, colliers de cauris.

Les pieds battent le tambour de la terre,

les bras s’agitent, les bras, ailes du vent,

sous le ciel ardent où pourtant se prépare la tornade,

sous le ciel de métal où, secrète, germe la pluie.

 

Danse le koala qui s’éveille dans le gommier

et dans la savane danse le wallaby.

Plane le phalanger volant entre les acacias,

oublié du varan, oublié du martin-chasseur.

Danse dans la savane le kangourou.

Tremblent dans le vent les bois de filaos

et les garrigues d’amarantes

et la rose du désert de Sturt exhale plus fort son parfum.

Voici que frissonnent toutes les bêtes, toutes les plantes

rêvées jadis par l’esprit des fourmis vertes,

par les hommes-éclairs jaillis tels la foudre

du grand serpent arc-en-ciel.

Là-bas, dans le sud, sous la montagne Uluru,

les fourmis vertes frémissent

à l’unisson avec les Gurindji qui dansent

dans le campement de Wattie Creek.

Là-bas, dans le nord, les crocodiles frémissent

dans les entrelacs des palétuviers.

Ils frémissent

au rythme des longs tambours

au rythme des flutes et des didgeridoos,

au rythme des pieds qui battent le sol,

au rythme des cœurs rouges dans les corps noirs,

les cœurs qui battent sereins et forts depuis huit ans

pour que le blanc rende la terre,

pour que le blanc les rende à la terre.

 

Car eux, les Gurindji, ils appartiennent à cette terre.

Et voici que le blanc se repent.

Le grand blanc verse le sable humblement

dans les mains de Vincent Lingiari

et Vincent Lingiari l’accepte, le peuple Gurindji accepte

le repentir du blanc.

Depuis huit ans le peuple Gurindji

danse devant les portes du grand élevage de Wave Hill

où les vachers travaillent pour les anglais,

où les vachers conduisent les milliers de vaches des anglais

sur la terre des ancêtres.

Et voici que la terre leur est rendue.

 

Les stockmen sur leurs chevaux s’occuperont des troupeaux

comme ils l’ont toujours fait

mais ce n’est plus pour enrichir les blancs,

c’est pour eux-mêmes qu’ils guideront les vaches aux longues cornes

dans les prairies de broussaille, parmi les arbres mulga,

dans les prairies de tussak où les wombats creusent leurs terriers,

entre les termitières que fouille la langue des échidnés,

entre les eucalyptus où se balancent les koalas,

où se balancent les koalas au rythme des longs tambours,

au rythme des flutes et des didgeridoos,

au rythme des pieds qui frappent le sol dur

car les bêtes de la savane elles-mêmes

savent que les hommes ont été rendus à la terre.

Les bêtes de la savane elles-mêmes sentent

le frémissement lointain des fourmis vertes

qui les ont rêvées et qui les rêvent plus fort

car le serpent arc-en-ciel lui-même frémit à nouveau

et Baiamé, le Premier Être, sourit dans son long rêve

et rit à grand éclat dans la tornade qui se prépare,

pleure et crie de joie dans la mousson qui se prépare

pour arroser de larmes fertiles la terre qui a repris possession

des enfants, des femmes, des hommes qui dansent sur le tambour de son ventre.

 

Et voici que la fleur rose du désert de Sturt

ouvre grand sa corolle pour appeler la rosée dont elle a longtemps rêvé.

 

Pierre Thiollière, Garrigues, 9 décembre 2020

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